comment va la CEDEAO?

Performances économiques des pays de la CEDEAO à court, moyen et long terme

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La Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a été mise en place en 1975 à Lagos au Nigéria. Elle a pour principal objectif l’intégration régionale de ses pays membres. A cet égard, la libre circulation des biens et des personnes est acquise au sein de l’union et il y est établi un tarif extérieur commun appelé TEC CEDEAO.
La CEDEAO regroupe, outre les huit pays de l’UEMOA ayant une monnaie commune le FCFA, sept autres pays disposant chacun d’une monnaie nationale. Il s’agit du Nigéria, du Ghana, de la Guinée, de la Gambie, de la Sierra Léone, du Libéria et du Cap Vert. Aa total, nous avons 15 pays pour une population globale estimée à 370 millions d’habitants en 2018. La population du Nigéria représente 52% de la population totale. Toutefois, le Maroc a formulé une demande d’adhésion non encore totalement approuvée. En attendant, le marché de la CEDEAO est assez important et attise des convoitises. C’est pourquoi, il suscite moult débats économiques et politiques pour assurer son émergence.
Déjà en 2007, En juin 2007, la Conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO a adopte une Vision pour I’Afrique de I’Ouest qui transformerait la région «d’une CEDEAO des Etats en une CEDEAO des Peuples ». Dans ce sillage, il a été décidé de mettre en place une monnaie unique en 2020. L’Agence monétaire de l’Afrique de l’Ouest (AMAO) regroupant les sept autres pays disposant de monnaie nationale a été établie à Freetown pour favoriser la convergence des dites économies.
Les experts et les membres du comité ministériel sur le Programme de la monnaie unique de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), réunis à Abidjan en Côte d’Ivoire, se sont prononcés sur le nom et le symbole de cette monnaie ont trouvé un consensus sur « ECO » comme dénomination de la monnaie unique de la CEDEAO le 20 juin 2019. Ils se sont toutefois séparés sans parvenir à un accord sur le symbole de ladite monnaie.
Le grand débat porte aujourd’hui sur la nature du régime de change de la monnaie ECO. Pour rappel, le Franc CFA est assujetti à un régime de change fixe arrimé à l’euro qui garantit sa convertibilité. Par contre, les autres pays de la CEDEAO disposent d’une monnaie nationale à régime de change flexible. En guise de rappel, il y a plusieurs types de régime de change intermédiaire entre celui fixe et celui flexible.
L’objet de cet article n’est pas d’examiner les régimes de change adéquats, ni de se pencher sur leur impact sur l’économie mais plutôt de faire le bilan de la performance économique des pays de la CEDEAO depuis le début des années 2000.


I. Performances en matière de croissance économique
Le premier indicateur examiné est le taux de croissance économique enregistré par les 15 pays depuis 2000. Nous avons considéré :
• la croissance moyenne du PIB réel enregistrée de 2000 à 2018 comme la croissance économique à long terme,
• la moyenne de la croissance économique sur la période 2009-2018, soit dix ans est considérée ici comme la performance économique à moyen terme
• le court terme est défini par la performance enregistrée sur la période 12014-2018, soit les 5 dernières années
L’analyse des performances économiques à long terme montre que le pays champion en matière de croissance économique au cours des 18 dernières années est la Sierra Léone avec un taux de croissance moyen annuel de 7,1%. Il est suivi par le Nigéria et le Ghana avec respectivement 6,3% et 6,2% de croissance économique en moyenne par année sur 18 ans. Le premier pays de l’UEMOA est le Burkina FASO qui occupe la 4ème place avec une croissance économique de 5,6%, suivi respectivement du Niger et du Mali. Le Sénégal occupe le 7ème rang avec une croissance moyenne annuelle de 4,5%. La Côte d’Ivoire occupe la 13ème place avec une croissance moyenne annuelle de 3,4%. La faible performance de la côte d’Ivoire sur cette période pourrait s’expliquer par les crises politiques successives connues par ce pays entre 2000 et 2010.
Cependant, on peut dire globalement que les pays à régime flexible ont été plus performants que ceux de la zone FCFA sur le long terme, soit entre 2000 et 2018.
S’agissant de la performance à moyen terme sur les 10 dernières années, elle est marquée par l’émergence du Ghana et de la Côte d’Ivoire qui se hissent respectivement à la première et deuxième place. Le Ghana a enregistré sur les dix dernières années une croissance économique de 7% par an. Le Nigéria dégringole en raison notamment de la chute des cours du pétrole et les autres pays de l’UEMOA essentiellement importateurs de pétrole enregistrent une bouffée d’oxygène. Ainsi, la Côte d’Ivoire, le TOGO et le Burkina Faso occupent les 2ème, 3ème et 4ème place en termes de performances économiques sur les dix dernières années. Ils sont suivis du Niger et de la Guinée. La Sierra Leone à l’instar du Nigéria chute à la 7 ème place. Le Sénégal vient juste après à la 8ème place avec une croissance moyenne annuelle de 4,8% devant le Nigéria qui se retrouve à la 9ème place.
Enfin, l’examen des performances à court terme révèle que la Côte d’Ivoire occupe la première place avec un taux de croissance économique annuel de 8,1%. Elle est suivie de loin par la Guinée (6,7%) et le Sénégal (6,5%). Le Ghana occupe la 10ème place avec un taux de croissance de 4,5%. Quant au Nigéria, il occupe la 13ème place avec une croissance moyenne par an de 2%, inférieure au taux de croit démographique de l’ordre de 2,5%.
Figure 1 : Taux de croissance économique des pays de la CEDEAO

Source : données WEO avril 2019 (FMI) et nos calculs

La baisse des cours mondiaux des matières premières et l’insécurité dans la zone expliquent (Boko haram, Al qaeda dans le sahel) les contreperformances du Nigéria. S’agissant de la Sierra Leone elle a subi de plein fouet la crise Ebola en 2015 qui a fait chuter drastiquement l’économie avec une baisse de 20% du PIB. Le Libéria également a subi cette épidémie et son PIB a stagné en 2015. S’agissant de la Guinée, son économie a juste enregistré un ralentissement avec une croissance économique de 3% en 2015
En conclusion, il apparaît qu’à court et moyen terme, les pays de la zone FRANC ont été plus performants tandis que sur le long terme, les autres pays de la CEDEAO se sont mieux comportés.

II. Performances en matière de maîtrise de l’inflation
L’analyse de l’inflation dans les payas membres de la CEDEAO révèle un net contraste entre les pays. D’une part, il se dégage le groupe des pays de la zone FRANC CFA dont la monnaie est arrimée à l’euro avec une faible inflation inférieure à 3% à court, moyen et long terme. D’autre part, le groupe des pays à monnaie nationale flexible avec une forte inflation généralement à deux chiffres. Dans ce lot de pays, le Ghana bat le record avec une inflation de 15% par année en moyenne sur 18 dernières années ; ce qui érode considérablement le pouvoir d’achat des consommateurs, particulièrement les plus pauvres. Même à court terme sur les cinq dernières années, l’économie ghanéenne a enregistré une inflation de 14,5% par an ; ce qui conduit à un doublement du niveau général des prix tous les six ans.
A la suite du Ghana, Le Nigéria enregistre la deuxième plus forte inflation de la zone avec une inflation de 12 % à court, moyen et long terme.
La Guinée occupe la troisième place avec une inflation moyenne de 13% sur le long terme, 11% à moyen terme et 9% à court terme. Le ralentissement de l’inflation dans ce pays est tout de même à noter.
Le Libéria suit avec une inflation à 12% à court terme et de près de 10% à moyen et long terme.

Figure 2 : Inflation dans les pays des la CEDEAO

Source : WEO avril 2019 (FMI) et nos calculs


Il apparaît dès lors qu’en matière de maîtrise de l’inflation les pays de la zone CFA sont de loin champion. Les croissances économiques enregistrées dans les pays hors UEMOA sont certes importants mais ils sont atténués par la forte inflation de loin supérieure à la croissance économique ; ce qui traduit une détérioration du pouvoir d’achat dans ces pays.
Cette détérioration est beaucoup plus marquée dans la mesure où le taux de croît démographique est également important dans ces pays. Il est en moyenne de 2,8% au Nigéria, au Sénégal et en moyenne dans la zone CEDEAO. Les pics de croissance démographique sont à relever au Niger (3,5%), en Gambie et au Mali (3,1%).

Cependant, lorsque nous parlons de la CEDEAO force est de reconnaître que le Nigéria est la grande locomotive avec une population représentant 52% de la population totale et une économie représentant 67% de l’économie totale, lorsque nous comparons le PIB courant en parité de pouvoir d’achat. C’est dire que l’économie nigériane est le double de l’économie de tous les autres pays réunis.
Cette position dominante du Nigéria suscite beaucoup d’interrogations pour les autres pays de la CEDEAO, notamment du fait de son instabilité socio-politique. Le Ghana et la Côte d’Ivoire sont respectivement les deuxième et troisième économie de la CEDEAO. Le Sénégal occupe de loin la 4ème place.

Figure 3 : Poids des pays membres de la CEDEAO sur la base du PIB courant exprimé en dollars en PPA en 2018

Source : données WEO avril 2019 (FMI) et nos calculs

Passer du FCFA à l’ECO de la CEDEO ne signifierait-il pas pour les pays de l’UEMOA, passer d’une dépendance de la monnaie de l’économie européenne à une dépendance à l’économie nigériane ?
Il est important de bien analyser les indicateurs de convergence macro économique des différents pays pour évaluer la discipline budgétaire et monétaire et imaginer le meilleur scénario d’encadrement de la monnaie ECO, y compris le meilleur taux de change. Le prochain article reviendra sur tous ces points ainsi que sur les échanges commerciaux entre pays de la CEDEAO.

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